La naissance d’Heurteauville

Une paroisse coupée en deux par un large fleuve, le cas de figure est plutôt rare hors des villes. C’était pourtant le cas de Jumièges. Et voici comment le hameau d’Heurteauville finit par devenir une commune à part entière…

En août 1027, Richard II, duc de Normandie, donne à l’abbaye de Jumièges, située sur la rive opposée et reliée par un passage d’eau, la moitié de Hartelvilla. C’est la première mention du village, comme hameau de Jumièges. Mais il existe déjà une chapelle sur le bord de Seine, dans laquelle Rollon aurait déposé un moment le corps de sainte Ameltrude

Un conflit en 1240 démontre que le marais dont le nom de Harelle est attesté en 1311 est déjà communal.

Au XIIIème siècle, les religieux construisent la grange dîmière et son premier manoir. Les abbés Bunel et Tougard prétendent qu’ils existait une chapelle Sainte-Austreberthe mais aucun document n’en témoigne. La construction de l’église actuelle est autorisée en 1727.

L’opposition se cristallise entre la rive droite et la rive gauche de Jumièges, conduisant à sa partition et à l’érection d’Heurteauville en commune le 30 octobre 1868.

Est-ce un choix des Heurteauvillais ? Non. Ce sont ceux de Jumièges. Au grand dam des premiers qui, 25 ans plus tôt, ne réclamaient qu’une section. Résumons ici ce que nous dit Alain Joubert des motifs de cette séparation…

Depuis des années, la mésentente règne au sein du conseil entre les représentants des deux rives. Ceux d’Heurteauville revendiquent leur part dans les biens communaux de Jumièges, au prétexte que leur hameau a de tout temps fait partie du domaine de l’abbaye. Depuis 1579, des actes de justice leur contestent régulièrement ce droit.
En 1866, les conflits entre élus ont gagné la population. C’est alors que la séparation est proposée pour apaiser les esprits. Motif officiel : l’étendue du territoire et les difficultés de communication liées à la Seine.

A Heurteauville, des voix sont contre. Cette séparation ne va-t-elle pas “rompre la communauté et la solidarité qui ont existé pendant des siècles entre ces deux parties d’un même tout.” On soupçonne les élus de Jumièges de vouloir se débarrasser d’une partie non productive du territoire. Heurteauville n’a aucune ressource propre et coûte certainement plus qu’elle ne rapporte à Jumièges.

Lors de l’enquête commodo et incommodo, Alexandre Lhonorey s’insurge :  “De temps immémorial, Heurteauville a toujours fait partie de Jumièges, l’un n’a pas existé sans l’autre.”
Mais la scission est finalement acceptée par les deux parties. Après que Jumièges ait proposé de verser 4.000 F à Heurteauville “pour se séparer en bons amis” dira le maire, Aimé Lepel-Cointet. Cadeau d’adieu ? Plutôt le remboursement de la part engagée par la section d’Heurteauville dans les travaux côté Jumièges. On évitait ainsi un ruineux procès !

Début décembre 1868, une note confidentielle est envoyée au juge de Paix. Il faut pourvoir le plus tôt possible à la nomination d’un maire et d’un adjoint pour la nouvelle commune d’Heurteauville.
Les élections ont lieu le 6 et le 16 décembre. Mallet est investi maire et Deconihout adjoint le 30 décembre 1968.

En 1972, Heurteauville est détaché du Canton de Duclair pour appartenir à celui de Caudebec-en-Caux.

Sources :

Penna Bruno, le patrimoine des communes de la Seine-Maritime. Edition Flohic

Laurent Quevilly, Jumièges.free.fr.

 

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